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24 Mai 2019

Brésil: Deux ans après le massacre de Pau D'Arco, toujours aucune justice

Le 24 mai 2017, dix travailleurs ruraux ont été brutalement assassinés par des policiers sur la ferme de Santa Lucia, Pau D’Arco, au Brésil. Il s'agit du deuxième plus grand massacre dans le pays en rapport avec des conflits fonciers au cours des 20 dernières années. Depuis, les survivants et les familles des victimes se cachent et vivent dans la peur. Il n’y a pas eu d’enquête pour déterminer qui sont les commanditaires du massacre, la communauté n’a reçu aucune protection et les familles risquent d’être expulsées. 

À l'occasion du deuxième anniversaire du massacre de Pau D'Arco, Front Line Defenders réitère son appel à la justice et à la fin des massacres de défenseur-ses du droit à la terre au Brésil.

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Ci-dessous, une déclaration signée par sept organisations brésiliennes de défense des droits humains. Pour la version portugaise, cliquez ici.

Le 24 mai 2017, 10 travailleurs ruraux ont été assassinés dans la ferme Santa Lucia, dans l'État de Pará au Brésil. Cet épisode est désormais appelé le Massacre de Pau D'Arco. 17 policiers, civils et militaires sont coupables de l'exécution des travailleurs. L'un des officiers a été blanchi. Jusqu'à présent, seuls les bourreaux ont été poursuivis mais aucun d'entre eux n'a été arrêté. Les commanditaires n'ont pas encore été identifiés.

Outre la lenteur pour identifier et punir les coupables, la zone du massacre, la Fazenda Santa Lucia, reste au centre d'un litige en matière de possession. Actuellement occupé par 200 familles de travailleurs ruraux, dont certains sont des proches des victimes et des survivants du massacre, la ferme est l'enjeu de négociation de vente à l'Incra et allouée à la réforme agraire. Cette proposition de solution n'a pas donné de résultats positifs, car l'administration actuelle dit ne pas avoir de ressources. À la suite de cela, le juge a relancé la procédure de reprise de possession et a programmé une audience pour quitter la région pour début juin. Par conséquent, les 200 familles risquent d'être expulsées.

Une commémoration aura lieu en mémoire des victimes du massacre le 24 mai à 14h. La première commémoration sera une visite et un service œcuménique dans le cimetière de Pau D'Arco (PA), qui se poursuivra dans le cimetière du Parque da Paz à Redençao (PA). Une cérémonie œcuménique et politique sera organisée le 26 mai au camp de Jane Julia (ferme de Santa Lucia), pour appeler à la fin des violences dans les zones rurales. La commémoration s'achèvera par un déjeuner communautaire. 

 

Texte complet de la déclaration :

Il y a exactement deux ans, les corps de 10 travailleurs ruraux assassinés dans l'État de Pará ont été exhibés sur des camions de la police de l'État à travers les rues de la municipalité de Redenção. Le 21 mai 2017, une femme et neuf hommes ont été lachement exécutés par la police dans la ferme de Santa Lucia à Pau D'Arco.

Bien que cet épisode soit internationalement reconnu comme l'un des plus grands massacres jamais perpétrés dans le cadre de conflits fonciers au Brésil, l'impunité reste totale. Les proches et les survivants sont abandonnés. Il n'y a aucune nouvelle de l'enquête pour trouver les commanditaires.

La ferme de Santa Lucia, le lieu du massacre, est toujours occupée par les 200 familles qui souhaitent avoir un lopin de terre à cultiver. La ferme fait l'objet d'un ordre d'expulsion donné par la chambre agraire de Redenção. Au moins 10 autres communautés sont sur le point d'être expulsées dans les régions sud et sud-est du Pará. Les zones d'occupation consilidées, telles que la ferme de Maria Bonita, à Eldorado dos Carajas, sont menacées par des vagues d'expulsion.

Le chaos relatif aux titres de propriété des terres a toujours intéressé l'oligarchie rurale et la formation de latifundium (grands domaines agricoles). Il avait été vaguement menacé par la création des Chambres agraires par la Constitution fédérale du Brésil de 1988, mais le processus de lutte contre l'accaparement des terres a été sévèrement réduit au silence par le système judiciaire brésilien, qui, en vertu de la "doctrine de la meilleure possession", autorise des processus successifs de "reprise" dans les zones où il existe des preuves d'accaparement des terres, comme dans le cas de la ferme Santa Tereza / camp Hugo Chavez à Marabá. Le problème se pose également dans les cas de zones précédemment expropriées par l'État et destinées à la réforme agraire, comme par exemple la zone de la ferme 1200. Fondée par la concentration de terres dans une colonie enregistrée, en violation de la loi et donc occupée depuis 2006, la ferme 1200 risque une expulsion imminente en raison d'un processus de reprise accordé à un grileiro (personne qui prend possession de la terre au moyen de faux titres) .

Même la mort de dix travailleurs ruraux lors du massacre de Pau D'Arco n'a pas suffit à empêcher l'État d'avoir une politique agraire avec une nette prédilection pour le latifundium. Après plus de cinq ans de débats judiciaires sur la légitimité du titre présenté par les présumés propriétaires de la ferme de Santa Lúcia - une famille dont la concentration des terres est supérieure à celle de la municipalité de Belo Horizonte - aucune décision définitive n'a encore été prise sur l'origine du titre de propriété, avec la possibilité d'un chevauchement de la ferme sur la colonie enregistrée de Nicolina Riveti. En outre, et en l'absence de clarté sur la régularité foncière, l'État estime qu'il est plus juste que la région reste entre les mains d'une seule famille plutôt que de plus de deux cents familles.

Les survivants et les proches des victimes n’ont reçu aucune aide de la part de l’État, qu’elle soit matérielle ou psychologique, pour se remettre d’un crime aussi violent. Une mère qui a perdu deux enfants lors du massacre est décédée parce qu'elle n'était plus soignée pour de graves problèmes rénaux : un état clinique déjà critique en raison de l'inefficacité du système de santé publique, associé à une dépression, a conduit à une avancée fatale sa maladie.

Le gouvernement fédéral actuel a réagi en immobilisant l'INCRA (Institut national de la colonisation et de la réforme agraire), en stoppant la réforme agraire et autorisant l'utilisation d'armes lourdes dans les zones rurales. Cela renforcera davantage les animosités dans ce conflit foncier, où les relations sociales entre les classes ont été façonnées par des siècles de violence, d'inégalité et d'injustice sociale.

Cette barbarie doit prendre fin. Les commanditaires doivent être tenus pour responsables. Pour la mère qui a enterré son fils le jour de son anniversaire. Pour les enfants qui sont aujourd'hui orphelins, et pour les survivants qui ont fui à travers la forêt et ont échappé à la mort ce jour-là, mais dont les vies sont bouleversées à jamais.

L'une des victimes, en voyant son frère assassiné à terre, dans un dernier souffle d'immense courage, s'est relevée, quelques secondes avant d'être exécutée et - comme l'ont dit les policiers eux-mêmes - il a dit : "Je mourrai debout".

Nous nous dressons aussi pour réclamer la fin de l'impunité et de la violence dans les zones rurales, pour le droit de vivre, à la terre et à la justice!

Signataires :

- Familiares das Vítimas do Massacre de Pau D'Arco

- Acampamento Jane Júlia - Justiça para os 10 de Pau d'Arco

- Comissão Pastoral da Terra - CPT

-Sociedade Paraense de Defesa dos Direitos Humanos - SDDH

- Terra de Direitos

- Justiça Global

- Comitê Brasileiro de Defensores de Direitos Humanos

Violations 
Lieu