Bangladesh : Le gouvernement provisoire doit veiller à ce que les responsables des violences commises à l’encontre de manifestants pacifiques qui défendent les droits des peuples autochtones rendent compte de leurs actes
L’Asian Forum for Human Rights and Development (FORUM-ASIA) et Front Line Defenders (FLD) condamnent fermement l’agression brutale d’étudiants défenseur⸱ses des droits humains autochtones et de leurs sympathisants qui manifestaient pacifiquement contre le retrait du mot « Adivasi » (autochtone en français) des manuels scolaires au Bangladesh.
« FORUM-ASIA exhorte le gouvernement intérimaire à respecter son engagement en faveur de l’inclusion et à respecter les droits des populations autochtones. Des mesures immédiates doivent être prises pour que les auteurs répondent de leurs actes et pour mettre en œuvre des mécanismes solides afin de prévenir de telles attaques discriminatoires contre les communautés autochtones » a déclaré Mary Aileen Diez-Bacalso, directrice exécutive de FORUM-ASIA.
« Le gouvernement intérimaire du Bangladesh est arrivé au pouvoir à la suite de manifestations de masse menées par des étudiants défenseur⸱ses des droits humains. Il se doit de respecter et protéger leur travail inestimable. Il doit garantir que les défenseur·ses puissent mener librement et en toute sécurité leurs activités légitimes en faveur des droits humains en toutes circonstances », a déclaré Sarah de Roure, responsable de la protection à Front Line Defenders.
Ce qu'il s'est passé
Le 12 janvier 2025, le National Curriculum and Textbook Board (NCTB) du Bangladesh a supprimé l’image d’un graffiti de manuels scolaires de bengali de 9e et 10e année où l’on pouvait lire le mot « Adivasi ». Le graffiti représentait le terme « Adivasi » aux côtés des termes « Hindou », « Musulman », « Chrétien » et « Bouddhiste » comme les cinq feuilles d’un arbre, symbolisant l’unité dans la diversité.
Cette suppression fait suite aux protestations du groupe « Students for Sovereignty », qui estime que la reconnaissance de l’identité autochtone porte atteinte à l’intégrité territoriale et à la souveraineté du Bangladesh. Le coordinateur du groupe, Ziaul Haque Zia, a défendu la suppression du terme « Adivasi », alléguant que la reconnaissance de petits groupes ethniques fait partie d’un programme plus large visant à établir un État séparé, auquel ils s’opposent fermement. En réponse, le 15 janvier, des étudiants autochtones — sous la bannière « Aggrieved Indigenous Student-Masses » — ont protesté pacifiquement contre cette suppression devant le bureau de la NCTB, arguant que la négation de leur identité autochtone est en contradiction avec les valeurs démocratiques multiethniques du Bangladesh. Les manifestants ont demandé pacifiquement de revenir à l’ancienne image du manuel scolaire ainsi que des protections constitutionnelles pour l’identité, l’histoire et la culture des peuples indigènes.
Des violences ont éclaté lorsque des membres de « Students for Sovereignty » ont attaqué les manifestants pacifiques, armés de battes en bois et de stumps de cricket, en scandant des propos incendiaires et en s’en prenant également aux manifestantes autochtones. La défenseuse des droits humains Rupaiya Shrestha Tanchangya, une leader étudiante du Mouvement des étudiants contre la discrimination, le groupe qui a mené la campagne de protestation en juillet 2024 au Bangladesh, fait partie des blessés graves. Le journaliste Jewel Marak et le défenseur autochtone Don Jetra ont également été blessés.
Le 16 janvier, des manifestants pacifiques réclamant justice pour ces attaques ont été confrontés à une force excessive de la part de la police, qui a notamment fait usage de canons à eau, de grenades assourdissantes et de matraques. Au moins 20 personnes ont été blessées, dont trois grièvement. Si deux agresseurs ont été arrêtés, de nombreux autres sont toujours en liberté, ce qui suscite des inquiétudes quant à la neutralité et à l’efficacité des forces de l’ordre bangladaises.
Appel à agir
La répression violente des manifestations pacifiques reflète un schéma récurrent que le gouvernement intérimaire du Bangladesh doit rompre de manière décisive. Ces actions portent atteinte aux libertés fondamentales inscrites dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ratifié par le Bangladesh, et dans les articles 27, 37 et 39 de la Constitution du Bangladesh, qui garantissent respectivement l’égalité de traitement, le droit de réunion pacifique et la liberté d’expression.
FORUM-ASIA et Front Line Defenders demandent instamment au gouvernement intérimaire de prendre des mesures immédiates contre tous les auteurs de violences, y compris l’usage excessif de la force par la police et son incapacité à protéger les manifestants pacifiques et les défenseur⸱ses des droits humains.
Le gouvernement intérimaire doit également préserver les droits, l’identité et la dignité des communautés autochtones du Bangladesh, notamment en ratifiant la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, et remplir ses obligations en matière de protection de leurs droits fondamentaux.
Enfin, l’absence d’action à ce stade critique risque d’ancrer les mêmes schémas de répression que ceux contre lesquels la population du Bangladesh s’est soulevée en 2024. Nous rappelons au gouvernement intérimaire que sa légitimité dépend de son engagement à respecter les obligations en matière de droits humains et à garantir la protection des droits fondamentaux de tous ses citoyens.
À propos de FORUM-ASIA :
L’Asian Forum for Human Rights and Development (FORUM-ASIA) est un réseau de 87 organisations membres réparties dans 23 pays, principalement en Asie. Fondé en 1991, FORUM-ASIA s’efforce de renforcer les mouvements en faveur des droits humains et du développement durable par la recherche, la sensibilisation, le développement des capacités et les actions de solidarité en Asie et au-delà. L’organisation a un statut consultatif auprès du Conseil économique et social des Nations unies et une relation consultative avec la Commission intergouvernementale des droits de l’homme de l’ASEAN. Le secrétariat du FORUM-ASIA est basé à Bangkok, avec des bureaux à Jakarta, Genève et Katmandou.
À propos de Front Line Defenders :
Front Line Defenders (FLD) est une organisation internationale de défense des droits humains fondée à Dublin en 2001, dans le but spécifique de protéger les défenseur⸱ses des droits humains (DDH) en danger. FLD s’efforce d’améliorer la sécurité et la protection des défenseur⸱ses des droits humains et des organisations du monde entier qui sont menacés en raison de leurs actions pacifiques et légitimes en faveur des droits humains. FLD répond aux besoins de protection et de sécurité identifiés par les DDH eux-mêmes, en leur apportant un soutien sous la forme de subventions et de renforcement des capacités, de visibilité, de networking et de plaidoyer, aux niveaux international, régional et local. Front Line Defenders a reçu le Prix des droits de l’homme des Nations Unies en 2018.