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6 Mars 2023

146e Assemblée de l’Union interparlementaire du Bahreïn

Déclaration Conjointe

Chers parlementaires,

À la lumière de votre participation prochaine à la 146e Assemblée de l’Union interparlementaire (UIP) qui se tiendra au Bahreïn du 11 au 15 mars 2023, nous vous écrivons pour vous exhorter à exprimer publiquement vos préoccupations concernant l’état désastreux de la liberté politique au Bahreïn, y compris la détention continue de deux anciens membres du parlement du Bahreïn.

Le slogan de l’UIP est « Pour la démocratie. Pour tous », et le thème de la conférence cette année est « Promouvoir la coexistence pacifique et les sociétés inclusives : combattre l’intolérance ».

Toutefois, le gouvernement du Bahreïn impose des restrictions de l’expression, de l’association et des rassemblements, qui violent ses obligations internationales en matière de droits humains. Les élections ne sont ni libres ni équitables, et les voix de l’opposition sont systématiquement exclues et réprimées.

Nous vous demandons de saisir l’occasion de l’Assemblée, qui se réunit dans un pays où les militants sont interdits de former des organisations, pour faire part publiquement des préoccupations relatives aux droits humains auprès des responsables bahreïnis. En particulier, nous vous demandons de rencontrer et de demander la libération des militants de l’opposition emprisonnés, qui n’ont jamais été accusés d’un crime internationalement reconnaissable. Nous vous exhortons à veiller à ce que la 146e Assemblée de l’UIP ne soit pas utilisée par les autorités bahreïnies pour blanchir son triste bilan en matière de droits.

Suppression de l’opposition politique et de la société civile

En 2016 et 2017, le système judiciaire bahreïni a dissous deux des principaux partis d’opposition politique du pays, Al-Wefaq et Wa’ad. Les lois sur l’isolement politique adoptées en 2018 empêchent les anciens membres de ces partis de se présenter au Parlement ou de siéger aux conseils d’administration des organisations de la société civile. Ces lois ciblent également les anciens prisonniers, y compris ceux qui sont détenus en raison de leur travail politique. Les personnes touchées par les lois sur l’isolement politique sont également confrontées à des retards et à des refus récurrents pour accéder au « certificat de bonne conduite », un document requis pour les citoyens et les résidents bahreïnis pour postuler à un emploi ou une admission à l’université, ou même pour rejoindre un club sportif ou une association.

En 2017, le dernier journal indépendant du Bahreïn, Al-Wasat, a été contraint de fermer.

Tous les médias indépendants sont effectivement interdits dans le pays.

Avec ce régime juridique restrictif en place, les élections au Bahreïn ne peuvent être libres ou équitables. Les dernières élections législatives du Bahreïn, en novembre 2022, étaient apparemment les plus restreintes depuis la réintroduction des élections législatives en 2002. Les lois de 2018 sur l’isolement politique ont effectivement empêché tous les membres de l’opposition politique de se présenter aux élections.

L’Institut bahreïni pour les droits et la démocratie (BIRD) a déclaré que l’application des lois d’isolement politique, combinée avec l’application du décret législatif n° 57 de 2014, qui permet au gouvernement de retirer de la liste électorale les noms des personnes qui ont choisi de ne pas voter lors d’élections précédentes, a entraîné le refus du droit de vote pour environ 94 000 à 105 000 personnes.

Selon Salam for Democracy and Human Rights, les autorités bahreïnies ont arbitrairement arrêté 11 anciens parlementaires et condamné 10 d’entre eux à la prison au terme de procès inéquitables. Les autorités en ont torturé deux et en ont déchu quatre de leur citoyenneté. Le Comité des droits de l’homme des parlementaires de l’UIP a lui-même soulevé auprès des autorités du pays la question des violations contre deux anciens parlementaires.

Détention des prisonniers d’opinion et recours à la torture

De nombreux membres de l’opposition politique du Bahreïn, ainsi que des militants, des blogueurs et des défenseur·ses des droits humains, continuent d’être emprisonnés pour leur rôle dans les manifestations pro-démocratie de 2011, ainsi que pour un activisme politique plus récent. Ils ont subi des traitements brutaux, notamment la torture et le refus de soins médicaux. Plusieurs d’entre eux, dont Hassan Mushaima, Dr. Abduljalil Al-Singace, Abdulhadi Al-Khawaja, Sheikh Mohammed Habib Al-Muqdad, Abdulwahab Husain, Naji Fateel, et Sheikh Ali Salman, ont été condamnés à la prison à perpétuité. Le Parlement européen a appelé à la libération de la plupart d’entre eux, affirmant qu’ils avaient été « arrêtés et condamnés pour avoir simplement exercé leur droit à la liberté d’expression ».

Beaucoup de ces personnes purgeant des peines de prison injustes ont également été soumises à la torture et à des négligences médicales en prison. Cela comprend le Dr. Abduljalil Al-Singace, un militant et universitaire primé qui purge une peine d’emprisonnement à perpétuité pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression et de réunion. Le Dr Al-Singace s’est vu refuser des soins médicaux essentiels, notamment la kinésithérapie dont il a besoin pour ses handicaps.

Abdulhadi Al-Khawaja, citoyen à la double nationalité danoise et bahreïnie, s’est vu refuser la chirurgie dont il a besoin pour soigner sa mâchoire, brutalement brisée par les forces de sécurité lorsqu’il a été arrêté pour avoir participé aux manifestations pro-démocratie de 2011. En décembre 2022, le Parlement européen a adopté une résolution urgente demandant sa libération et a décrit ses problèmes de santé comme « la conséquence directe de son emprisonnement, de sa torture et de la privation de l’accès aux soins médicaux ».

Plus récemment, les autorités de la prison de Jaw ont perquisitionné les cellules de 14 prisonniers politiques, dont certains auraient été torturés.

Selon un rapport conjoint publié par BIRD et Reprieve en 2021, le recours à la peine de mort au Bahreïn a considérablement augmenté au cours de la décennie 2011-2021 et le taux d’exécution durant cette période a augmenté de 20 %. À l’heure actuelle, les recherches indiquent qu’il y a au moins 26 hommes dans le couloir de la mort, qui ont tous épuisé les recours judiciaires et qui risquent d’être exécutés. Près de la moitié de ces hommes ont dit avoir été torturés pour livrer de faux aveux, qui ont ensuite été utilisés contre eux au tribunal. Les survivants de la torture Mohammed Ramadhan et Husain Moosa sont toujours dans le couloir de la mort, sur la base des aveux forcés de Husain, en dépit du fait que l’ONU a déterminé que les deux hommes étaient détenus arbitrairement et a exhorté le gouvernement du Bahreïn à « les libérer immédiatement et sans condition ».

Déchoir les Bahreïnis de leur nationalité

Outre la répression politique au Bahreïn, environ 300 Bahreïnis ont été déchus de leur citoyenneté à la suite de processus arbitraires. Ces personnes sont désormais pour la plupart apatrides, ce qui porte directement atteinte au droit international. Certains ont été expulsés du pays de force, tandis que d’autres sont forcés de vivre en exil à l’étranger. L’ancien député Jawad Fairooz fait partie des personnes qui ont été forcées de s’exiler et privées de leur citoyenneté. Dans certains cas, les membres de la famille de ceux qui ont été déchus de leur citoyenneté et restés au pays font l’objet de représailles à cause du plaidoyer des militants à l’étranger.

Notre demande

L’invitation du gouvernement du Bahreïn à tenir l’Assemblée de l’Union interparlementaire à Manama cette année représente une occasion importante. Les délégués peuvent agir pour améliorer la situation des droits humains dans le pays, tant pour leurs homologues parlementaires que pour l’ensemble de la population bahreïnie.

Les parlementaires du monde entier qui se rendent au Bahreïn ont un rôle essentiel à jouer pour dénoncer ces violations des droits humains auprès d’autres parlementaires et des autorités bahreïnies. Nous exhortons les parlementaires participants à l’UIP à appeler les autorités bahreïnies à :

Libérer sans condition et immédiatement toutes les personnes emprisonnées uniquement pour avoir exercé pacifiquement leurs droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association, notamment Hassan Mushaima, Dr. Abduljalil Al-Singace, Abdulwahab Husain, Sheikh Ali Salman, Naji Fateel, le ressortissant danois bahreïni Abdulhadi Al-Khawaja, et le ressortissant suédois bahreïni Sheikh Al-Muqdad ;

Mettre en œuvre les recommandations de longue date de l’Organe de traités de l’ONU et abroger les « lois d’isolement politique » au Bahreïn, qui incluent des interdictions arbitraires sur les partis d’opposition, les groupes de la société civile et les médias indépendants, et encourager le développement de l’espace civique au Bahreïn ;

Assurer le respect et la protection du droit à la liberté d’expression et prendre les mesures nécessaires pour garantir la liberté des médias ; 

Mettre fin à l’utilisation de la torture et autres mauvais traitements et s’attaquer à la culture de l’impunité en tenant les auteurs présumés d’abus responsables et en veillant à ce que les victimes bénéficient de mécanismes efficaces pour obtenir justice et dédommagement, conformément aux obligations et aux recommandations de l’organe de traités de l’ONU ;

Mettre en œuvre un moratoire immédiat sur l’utilisation de la peine de mort, en attendant un examen complet de toutes les affaires capitales pour identifier les allégations de torture et annuler toutes les condamnations à mort fondées sur des preuves obtenues sous la torture ;

Créer une commission d’enquête indépendante et impartiale qui n’a aucun lien d’association ou hiérarchique avec le ministère public ou le ministère de l’Intérieur et séparée de l’ombudsman et de la SIU, pour enquêter sur les allégations de torture au Bahreïn ; et

Rétablir la citoyenneté pour tous ceux qui ont été arbitrairement déchus de leur citoyenneté, conformément aux recommandations de l’ONU.

Signé,

Human Rights Watch

SALAM for Democracy and Human Rights

Bahrain Institute for Rights and Democracy

Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain

European Center for Democracy and Human Rights

Democracy for the Arab World Now

Bahrain Center for Human Rights

The #FreeAlKhawaja campaign

Bahrain Forum for Human Rights

Gulf Centre for Human Rights

Gulf Institute for Democracy and Human Rights

Bahrain Human Rights Society

MENA Rights Group

Pen International

PEN America

Project on Middle East Democracy

Scholars at Risk

Rights Realisation Centre

Human Rights First

Front Line Defenders

La Fédération Internationale des Droits de l’Homme

Reprieve