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8 Juin 2022

Algérie: IL FAUT IMMEDIATEMENT RELACHER UN DEFENSEUR DES DROITS HUMAINS ET ENVIRONNEMENTAUX, ET ANNULER SA CONDAMNATION

Présidence de la République Algérienne Démocratique et Populaire

Abdelmadjid Tebboune

Place Mohamed Seddik Benyahia, El Mouradia

Alger, 16000, Algérie

+213 02169 15 95

President@el-mouradia.dz

Monsieur le Président,Les 9 et 15 juin 2022 respectivement se dérouleront des audiences d’appel dans deux affaires concernant le défenseur des droits humains Mohad Gasmi, qui a été condamné à cinq ans de prison le 17 octobre 2021, et à trois ans de prison le 14 avril 2022, pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression et mené une action militante au sein de la société civile. Certaines de nos organisations ont déjà fait état d’inquiétudes à propos de son cas au cours de l’année écoulée. Les organisations ci-après craignent fort que la condamnation de Mohad Gasmi à huit ans d’emprisonnement en tout ne soit confirmée sous peu.

Mohad Gasmi est un défenseur des droits environnementaux, sociaux et économiques appartenant au « mouvement des chômeurs » et au mouvement contre l’extraction du gaz de schiste dans le sud de l’Algérie. Il fait également partie du mouvement du Hirak, qui réclame des réformes démocratiques sur les terrains politique et social.

La police d’Adrar a arrêté Mohad Gasmi le 8 juin 2020. En octobre 2021, il a été déclaré coupable d’« apologie du terrorisme » (article 87 bis 4 du Code pénal) pour une publication sur Facebook dans laquelle il attribue la radicalisation d’un activiste algérien connu — considéré comme un « terroriste » par les autorités algériennes — à l’incapacité de celles-ci à rendre justice à la population et à la traiter avec dignité. Dans la seconde affaire, portée en justice alors qu’il purgeait déjà sa première peine, il a été accusé d’avoir divulgué une information confidentielle sans intention de trahison ou d’espionnage (article 67 du Code pénal), pour s’être rendu à l’étranger afin d’assister à des conférences sur l’environnement et pour des échanges par courriel au sujet de l’exploitation du gaz de schiste dans le sud de l’Algérie. Les autorités l’ont en particulier accusé d’avoir partagé par courriel une photo de la police militaire — qui est déjà disponible en ligne. L’enquête n’a pas démontré en quoi l’image révélée constituait une information confidentielle.

Compte tenu des informations ci-dessus, nous vous exhortons respectueusement, Monsieur le Président, à libérer immédiatement Mohad Gasmi et à annuler ses condamnations. Nous demandons que les autorités cessent d’utiliser le système pénal de manière abusive pour harceler Mohad Gasmi, et garantissent un environnement sûr et favorable afin que tous les défenseur·e·s des droits humains en Algérie puissent mener leurs activités à bien — notamment en exprimant leurs opinions, en communiquant avec des organisations internationales et locales de la société civile, et en rencontrant celles-ci — sans crainte de sanctions, de représailles ou d’actes d’intimidation. Nous demandons aussi à votre gouvernement de cesser de porter de fausses accusations liées au terrorisme ou à la divulgation d’informations afin de réprimer le militantisme pacifique et la liberté d’expression.

Nous attirons votre attention sur les articles 7, 9, 19, 21 et 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par l’Algérie, qui garantissent le droit d’être protégé contre la torture, les droits à la liberté et à la sécurité, l’interdiction de la détention arbitraire, le droit à la liberté d’expression et les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association. Nous attirons également votre attention sur l’article 1 de la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’homme, qui dispose : « Chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’homme et des libertésfondamentales aux niveaux national et international. »

Il est alarmant de constater à quel point le recours à des charges forgées de toutes pièces liées au terrorisme, afin de poursuivre des journalistes, des défenseur·e·s des droits humains et des militant·e·s pacifiques, s’est généralisé au cours de l’année écoulée en Algérie. Les journalistes Hassan Bouras et Mohamed Mouloudj, l’avocat Abderraouf Arslane, les manifestantes pacifiques Fatima Boudouda et Moufida Kharchi, et Slimane Bouhafs, réfugié reconnu par les Nations unies, font partie des nombreuses personnes arbitrairement maintenues en détention provisoire de manière prolongée à l’heure actuelle, sur la base de charges infondéesliées au terrorisme.

Nous nous souvenons que le 27 décembre 2021 (DZ 12/2021), les procédures spéciales des Nations unies ont indiqué que la législation antiterroriste de l’Algérie était en directe opposition avec les meilleures pratiques et bafouait les droits à la réunion pacifique et la liberté d’expression. Des experts des Nations unies ont une nouvelle fois fait état de leurs inquiétudes à ce propos dans une autre communication datée du 31 mars 2022 (AL DZA 3/2022).

Nous vous remercions de la considération que vous accorderez à cette très importante question. Nous espérons que le gouvernement algérien donnera à cette affaire l’attention qu’elle mérite. Nous continuerons à suivre la situation de près.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération.

Amnesty International

Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS)

Front Line Defenders