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27 Septembre 2022

22 défenseur⸱ses des droits humains et de l’environnement accusés de s’être introduits sur un site de construction destiné au tourisme de luxe — vives préoccupations concernant l’intimidation juridique

Le Global Legal Action Network et Front Line Defenders sont profondément préoccupés par le ciblage répété des défenseur⸱ses des droits humains qui résistent aux aménagements destructeurs destinés au tourisme de luxe privé à Barbuda. Des défenseur⸱ses des droits humains venus inspecter l’un des chantiers de construction contestés sur l’île sont accusés d’intrusion illégale. Leur audience, qui pourrait donner lieu à des poursuites pénales, est prévue le 29 septembre 2022.

Après l’ouragan Irma qui a frappé l’île en 2017, le gouvernement central d’Antigua-et-Barbuda a fait adopter de nouvelles lois qui ont permis la construction d’un complexe touristique de luxe de plusieurs millions de dollars et d’un terrain de golf connu nommé « Barbuda Ocean Club » sur une zone humide protégée, ainsi qu’une piste d’atterrissage pour des jets privés à travers 300 hectares de forêt vierge.

Les Barbudiens qui s’opposent au développement privé de leurs terres — détenue par les Barbudiens depuis l’abolition de l’esclavage — sont victimes de harcèlement, d’intimidation, de diffamation et de criminalisation, dont des menaces proférées par le Premier ministre d’Antigua-et-Barbuda lui-même. En 2015, à la suite de l’opposition locale à un premier projet, le Premier ministre d’Antigua-et-Barbuda, Gaston Browne, avait déclaré que les « terroristes économiques » qui voulaient « bloquer les investissements… et maintenir notre population au chômage […] devraient faire face à toute la portée de la loi pour toute infraction ». Lorsque les Barbudiens ont intenté une action en justice contre la construction de la piste d’atterrissage internationale, Gaston Browne a écrit sur internet que « ces imbéciles ont recours à des méthodes stupidement destructrices, et tentent de saper un projet d’infrastructure nécessaire ».

Un groupe de défenseur·ses du droit à la terre, dont un membre élu et des employés du Barbuda Council, a exprimé à maintes reprises ses préoccupations au sujet de l’impact humain et environnemental de la construction, qui pourrait exposer l’île à un plus grand risque de futurs événements climatiques. Par ailleurs, l’approbation de la construction du projet n’aurait pas respecté les normes juridiques de base et les procédures appropriées. En juillet 2020, après une manifestation contre le principal promoteur, PLH (abréviation de « Peace, Love and Happiness » — paix, amour et bonheur), Gaston Browne a déclaré à la presse : « Chaque fois qu’ils font quelque chose d’illégal là-bas, j’envoie la police et l’armée… Je préfère les combattre et démissionner que de fermer les yeux. »

Ces menaces se sont concrétisées le 18 septembre 2020, lors d’une autre manifestation pacifique contre PLH Barbuda, lorsque deux membres du Barbuda Council — Paul Nedd et Devon Warner — ont été arrêtés et accusés d’intrusion et d’infraction aux règles liées au COVID-19 pour ne pas porter de masque. Ils faisaient partie du groupe de 22 habitants qui ont tenté d’inspecter le chantier de construction de PLH à Palmetto Point. Ils étaient venus vérifier si les conditions d’approbation du projet avaient été respectées. Cette mesure a été prise après que l’autorité de contrôle de l’aménagement a émis un avis de non-conformité le 31 août pour avertir PLH que ses activités de construction n’étaient pas conformes aux conditions d’approbation.

Le 1er octobre 2020, l’Eastern Caribbean Court (tribunal des Caraïbes orientales) a ordonné à PLH de suspendre la construction à Palmetto et à Coco Points. Cependant, les habitants et les défenseur⸱ses des droits humains affirment avoir été témoins de la poursuite des opérations. En janvier 2021, le même tribunal a levé l’injonction sur les activités de PLH et a délivré une ordonnance contre le Barbuda Council leur interdisant d’entrer sur la zone de construction de PLH Barbuda pour quelque raison que ce soit, même pour mener une inspection.

Le groupe de 22 locaux et défenseur⸱ses des droits humains, dont Paul Nedd et Devon Warner, ainsi que d’autres membres du Barbuda Council, font toujours face à des accusations d’intrusion et ont été convoqués à plusieurs reprises devant un « plaignant virtuel » inconnu. Malgré les demandes de divulgation, l’identité du plaignant n’a pas encore été révélée. Les 22 personnes ont été convoquées et doivent comparaître ensemble devant le tribunal le 27 septembre 2022. Il convient de préciser que les locaux de police où l’audience doit avoir lieu ont été sponsorisés par PLH.

En juin 2021, des Rapporteurs spéciaux des Nations Unies ont publié une déclaration conjointe à l’intention du gouvernement d’Antigua-et-Barbuda et des promoteurs privés établis aux États-Unis, exprimant leurs profondes préoccupations « concernant les impacts potentiels du projet Barbuda Ocean Club sur les droits humains, notamment sur le droit à l’alimentation, à l’eau et à l’assainissement, au logement et à un environnement sain, ainsi que sur les droits culturels ». Les Rapporteurs spéciaux de l’ONU ont également fait référence à l’arrestation de plusieurs Barbudiens inquiets. PLH avait répondu en déclarant que près de 40 personnes ont pénétré illégalement sur les terres louées par l’entreprise et avait nié l’arrestation ou les accusations portées contre deux des 22 habitants.

Front Line Defenders et le Global Legal Action Network condamnent fermement le long processus de poursuites, l’acharnement judiciaire et les intimidations répétées contre les défenseur·ses du droit à la terre à Barbuda. Ces organisations appellent les autorités d’Antigua-et-Barbuda à abandonner les accusations, à mettre fin à la criminalisation et à la diffamation contre les défenseur·ses du droit à la terre à Barbuda et à prendre les mesures nécessaires pour leur permettre de continuer à défendre leurs droits collectifs en toute sécurité.