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Jeany Rose Hayahay

FDDH

Jeany Rose Hayahay est une défenseuse des droits humains autochtone basée à Mindanao, aux Philippines. Elle défend les droits des peuples autochtones, en mettant l’accent sur le droit à l’éducation des enfants. Rose a joué un rôle important dans l’unification des écoles autochtones et communautaires à Mindanao et a coordonné avec des groupes nationaux une campagne visant à mettre fin à la militarisation, au pillage environnemental et à l’accaparement des terres ancestrales. Elle fait souvent face à la violence perpétrée par différentes autorités pendant des manifestations pacifiques, mais elle persiste à lutter pour sa cause avec courage, leadership et dévouement. Elle est devenue la porte-parole du Save Our Schools Network (SOS Network) en 2019, un réseau d’ONG axées sur les enfants, de groupes confessionnels et d’autres intervenants qui attirent l’attention sur la violation continue du droit à l’éducation des enfants et prennent des mesures à cet égard, notamment dans le contexte de la militarisation et des attaques contre les écoles.

Depuis le lancement de la « guerre contre la drogue » par l’ancienne administration Duterte en 2016, les violations des droits humains et l’impunité sont devenues endémiques aux Philippines. Les lois et les politiques strictes visaient les petits revendeurs de drogue et les « toxicomanes », mais elles ont également été infligées aux défenseur⸱ses des droits humains afin d’étouffer toute dissidence contre le gouvernement. En 2018, Global Witness a déclaré les Philippines comme le pays le plus dangereux pour les défenseurs de la terre et de l’environnement.

Les Lumads du Sud des Philippines vivent dans des zones clés riches en ressources pour les projets d’exploitation minière, de plantation et d’exploitation forestière. Par conséquent, quiconque défend ses droits contre les répercussions de l’exploitation fait face à la violence, au déplacement, au « marquage rouge » (red-tagging*), au harcèlement, aux bombardements aériens et à la militarisation. Les attaques environnementales, culturelles et sociopolitiques auxquelles la communauté Lumad est confrontée continuent d’éroder sa culture, de détruire l’environnement et de la marginaliser davantage. L’une des cibles les plus importantes sont les enseignants et les écoles de la communauté Lumad. Le marquage rouge des écoles et des enseignants ainsi que les alertes à la bombe ont conduit à la fermeture forcée de 216 écoles Lumad, et privé au moins 10 000 élèves Lumad de leurs droits. En juillet 2019, le ministère de l’Éducation a suspendu l’école Lumad où Rose enseignait, l’accusant d’être un « terrain d’entraînement pour les rebelles ». Rose a commencé comme enseignante bénévole pour les communautés Lumad à Mindanao ; durant cette période elle a sensibilisé les gens aux violations des droits humains auxquelles les Lumads étaient confrontés. Au-delà de l’éducation de base, Rose a également enseigné des compétences pratiques comme l’agriculture qui aiderait les élèves à enrichir leur environnement, leur culture et à défendre leurs terres ancestrales. Elle a participé à la construction de fermes communautaires pour que les étudiants aient des expériences agricoles sur le terrain.

Rose a fait partie de l’école « Lumad Bakwit » de 2018 à 2021, où une centaine d’étudiants autochtones du sud des Philippines se réunissent dans les principales villes pour protester contre les violations des droits humains des groupes autochtones et minoritaires. En tant que porte-parole de SOS Network, elle est au premier plan de nombreux rassemblements publics, manifestations et réunions, et est constamment « marquée rouge » et surveillée en tant que leader, face à des représailles et des menaces, à la fois directement et indirectement. Elle court un risque élevé d’être tuée, arrêtée ou emprisonnée, mais elle continue de montrer la voie avec détermination et courage.

* marquage rouge — liste noire des individus ou des organisations qui critiquent l’administration gouvernementale.

Le climat d'impunité aux Philippines, associé au fait que l'administration encourage les exécutions extrajudiciaires de présumés consommateurs de drogue, ainsi qu'à la ligne de plus en plus dure de l'armée contre le Front national démocratique philippin, entraîne une grave détérioration de la situation des défenseur-ses dans le pays. Depuis l'élection du Président Rodrigo Duterte en mai 2016, les DDH doivent faire face à une vague d'assassinats et de violences. L'acharnement judiciaire et la criminalisation des DDH restent courants ; les politiciens et les acteurs privés, tels que les sociétés minières, utilisent le système judiciaire pour faire taire ceux qui s'opposent à leurs intérêts. Les DDH sont accusés de crimes violents ou d'appartenir à la Nouvelle armée populaire, l'aile armée du parti communiste. Les DDH signalent également des cas de surveillance populaire rapprochée. Depuis que la loi martiale a été déclarée à Mindanao en mai 2017, et compte tenu de la crainte qu'elle ne s'étende à tout le pays, les défenseur-ses des droits humains sont de plus en plus visés par les menaces, les actes d'intimidation et le harcèlement par l'armée.