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La condamnation de Latoya Nugent pour diffamation paralyse le mouvement pour les femmes et les LGBT

Statut: 
Condamnée à payer une amende
À propos de la situation

Le 31 janvier 2019, la Cour suprême de Jamaïque a reconnu la défenseuse des droits humains Latoya Nugent coupable de diffamation. La cour a ordonné qu'elle paie une amende de 16 millions de dollars jamaïcains de dommages et intérêts à l'ancien ministre de l'Eglise morave, Dr Canute Thompson, qui avait porté plainte contre elle. Son avocat a officiellement contesté cette décision. L'affaire est liée à des informations postées par la FDDH sur les réseaux sociaux en 2016 au sujet d'abus sexuels et du viol présumés de mineurs par des ministres de l'Église morave en Jamaïque; ces informations proviennent de victimes présumées. Depuis ces messages, deux autres ministres moraves ont été accusés d'abus sexuels.

About Latoya Nugent

Latoya NugentLatoya Nugent est co-fondatrice de Tambourine Army, un mouvement pour la justice sociale qui cherche à mettre fin à l'impunité pour les violences sexuelles et sexistes, et de WE-Change (Women’s Empowerment for Change). Par le biais de cette dernière initiative, elle a organisé des formations sur la politique publique et le plaidoyer destinées aux femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres, dans le but de favoriser leur participation sociale et la création d'espaces sûrs dans lesquels elles peuvent exercer leurs droits. Depuis 2013, elle promeut les droits des personnes LGBTI à J-FLAG, l'une des plus éminentes organisations de la société civile en Jamaïque.

8 Février 2019
La condamnation de Latoya Nugent pour diffamation paralyse le mouvement pour les femmes et les LGBT

Le 31 janvier 2019, la Cour suprême de Jamaïque a reconnu la défenseuse des droits humains Latoya Nugent coupable de diffamation. La cour a ordonné qu'elle paie une amende de 16 millions de dollars jamaïcains de dommages et intérêts à l'ancien ministre de l'Église morave, Dr Canute Thompson, qui avait porté plainte contre elle. Son avocat a officiellement contesté cette décision. L'affaire est liée à des informations postées par la FDDH sur les réseaux sociaux en 2016 au sujet d'abus sexuels et du viol présumés de mineurs par des ministres de l'Église morave en Jamaïque ; ces informations proviennent de victimes présumées. Depuis ces messages, deux autres ministres moraves ont été accusés d'abus sexuels.

Latoya Nugent est co-fondatrice de Tambourine Army, un mouvement pour la justice sociale qui cherche à mettre fin à l'impunité pour les violences sexuelles et sexistes, et de WE-Change (Women’s Empowerment for Change). Par le biais de cette dernière initiative, elle a organisé des formations sur la politique publique et le plaidoyer destinées aux femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres, dans le but de favoriser leur participation sociale et la création d'espaces sûrs dans lesquels elles peuvent exercer leurs droits. Depuis 2013, elle promeut les droits des personnes LGBTI à J-FLAG, l'une des plus éminentes organisations de la société civile en Jamaïque.

L'action en justice a été lancée par l'ancien ministre morave Dr Canute Thompson, qui réclamait 20 millions de dollars jamaïcains et les excuses officielles de la FDDH. L'action est liée à une série de commentaires que Latoya Nugent a postés sur les réseaux sociaux en décembre 2016, dans lesquels elle accusait plusieurs ministres moraves de violences sexuelles, dont des viols. Depuis, l'ancien président de l'Église morave, Paul Gardner, et l'ancien ministre Rupert Clark, ont tous deux été accusés de violences sexuelles et des membres de l'Église morave ont aussi été accusés.

Le verdict de la cour suprême daté du 31 janvier ordonne à la FDDH de payer 16 millions de dollars jamaïcains de dédommagements, une somme qui semble excessive et disproportionnée compte tenu de la situation financière de l'accusée. La Cour interaméricaine des droits de l'Homme, dans l'affaire Santander Tristán Vs. Panama, a estimé que "les dédommagements civils extrêmement élevés sont plus une manière d'intimider et de d'entraver la liberté d'expression, qu'une sanction pénale, car ils peuvent compromettre la vie personnelle et familiale de ceux qui dénoncent [...]." Latoya Nugent risque d'être emprisonnée si elle ne peut pas payer ces dédommagements.

Ces dommages et intérêts disproportionnés que doit payer Latoya Nugent envoient un message fort et paralysant à tous ceux qui souhaitent dénoncer les violences liées au genre, et ils risquent de porter un coup au mouvement de défense des droits des femmes en Jamaïque, en créant un précédent pour les personnes qui osent dénoncer les abus sexuels, en particulier dans le contexte de la religion. Cela pourrait aussi nuire à la liberté d'expression des survivants d'exactions. Les personnalités publiques, comptent souvent sur une grande influence sociale et un soutien et sont donc sous les projecteurs.

Avant de faire l'objet d'une poursuite civile, en mars 2017 Latoya Nugent a été arrêtée, placée en détention et accusée d'avoir "utilisé son ordinateur pour des communications malveillantes", en vertu de la section 9(1) de la loi sur les cybercrimes. Elle risquait quatre ans de prison mais le procureur général a abandonné l'affaire en mai 2017, après avoir conclu qu'il n'y a pas assez de preuves à charge. La défenseuse avait donc été remise en liberté.

Selon certains médias, le procureur aurait donc encouragé Dr Canute Thompson à intenter une action en justice contre la FDDH. L'acharnement judiciaire dont elle a fait l'objet a laissé Latoya Nugent dans un état émotionnel fragile, l'empêchant de présenter une défense convenable dans l'affaire civile. Après avoir ordonné un jugement par défaut contre Latoya Nugent le 31 janvier, la cour suprême l'a reconnue coupable. La décision est remise en question juridiquement.

Depuis 2017, le mouvement de défense des droits des femmes en Jamaïque a pris de l'ampleur grâce à une campagne publique nommée #SayTheirNames (dites leurs noms), qui vise à remédier au silence et à l'impunité qui entoure généralement les violences contre les femmes et sexuelles. Cette campagne a aidé les victimes à faire entendre leurs voix et à porter plainte.

Front Line Defenders craint que ce verdict contre la FDDH Latoya Nugent ait un effet intimidant sur la communauté des défenseur-ses des droits humains en Jamaïque, en particulier contre les FDDH qui parlent au nom des victimes d'abus perprétrés par les personnalités publiques.