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1 Août 2019

Deux ans plus tard, le décès de Santiago Maldonado ouvre de vieilles blessures pour l'Argentine

By Ligimat Perez

Santiago Maldonado a disparu alors qu'il manifestait pour le droit à la terre. Pas pour ses propres droits, car il est né dans une famille prospère dans la province de Buenos Aires. Il y a deux ans, le 1er août 2017, il manifestait pour les droits du peuple Mapuche à jouir d'un lopin de terre en Patagonie.

Son corps n'a été retrouvé que quelques mois plus tard, le 17 octobre, mais les circonstances de sa mort restent un mystère pour de nombreuses personnes. Le juge de l'affaire, Gustavo Lleral, a estimé qu'il n'y avait pas eu de crime. "Maldonado a coulé après une immersion dans l'eau aggravée par une hypothermie". Cependant il a oublié de mentionner que l'autopsie a conclu à une "mort violente".

Plusieurs témoins et des membres de sa famille ont déclaré qu'il s'agissait d'une disparition forcée. Ils ont pu prouver que l'homme de 28 ans avait été arrêté par des membres de la gendarmerie (police militaire), près du fleuve Chubut, où il a été vu pour la dernière fois lorsque la police a lancé l'assaut contre une manifestation organisée par des membres de la communauté "Pu Lof en Resistencia".

L'affaire a causé de nombreuses controverses en Argentine, où elle a réveillé le souvenir des disparitions forcées qui avaient lieu pendant la dictature militaire, et a intensifié la polarisation politique déjà présente dans le pays.

De nombreuses manifestations ont eu lieu, certaines avec la participation de l'ancienne présidente Cristina Kirchner. Il y a eu également des discussions à la télévision, des éditoriaux dans les journaux, des affiches et des peintures avec l'image de Santiago dans les rues et sur les réseaux sociaux.

Il ne pouvait en aucun cas être considéré comme un défenseur des droits humains classique. El Lechuga, comme on l'appelait à l'université de la Plata où il étudiait les beaux arts, était un beau routard qui portait des dreadlocks et qui gagnait sa vie en faisant des tatouages et de l'artisanant. C'était un nomade qui s'impliquait dans différentes causes, ce qui a inspiré les peintures murales qu'il avait l'habitude de faire dans les rues.

Il y avait un thème qui reliait tout le travail qu'il a accompli durant sa vie. Selon son frère ainé Sergio Maldonado, qui mène la campagne et qui est le principal porte parole de la famille Maldonado, "il pensait que l'on avait tous le droit à un petit lopin de la terre sur laquelle nous sommes nés". Certaines de ses peintures murales parlent de ça, ainsi que de son opposition à l'usage des pesticides et du droit à la terre des populations autochtones.

Santiago Maldonado, qui depuis avril 2017 vivait dans la région d'El Bolson en Patagonie, s'était rendu à Cuchamen, où il s'est joint à la manifestation de la communauté de "Pu Lof en Resistencia". Depuis 2015, le peuple Mapuche occupe une partie d'un immense lot de parcelles de terre acheté par l'homme d'affaires Luciano Benetton, de la célèbre marque de vêtements italienne. Les Mapuche considèrent que ces terres sont leurs terres ancestrales.

Le conflit foncier qui oppose les Mapuche et Benetton dure depuis deux décennies. En 2002, la communauté Mapuche a été accusée d'accaparer les terres après être revenue sur ses terres ancestrales (625 hectares sur les 900 000 achetées par Benetton dans quatre provinces argentines). Après des tentatives infructueuses pour résoudre le conflit, ils ont été expulsés. La même historie s'est répétée en 2007, puis de nouveau en 2015.

Ces années de conflit ne se sont pas révélé payantes pour les Mapuche. Leurs leaders sont persécutés au Chili et en Argentine, ils sont taxés de terroristes et leurs manifestations, des deux cotés de la frontière, sont criminalisées et réprimées avec une violence excessive, ce qui fait l'objet de nombreuses plaintes officielles.

Le même schéma d'utilisation excessive de la force s'est répété le 1er août 2017 à Chubut lorsque la police a dispersé la manifestation et lorsque Santiago Maldonado a été vu pour la dernière fois.

Bien que la mort de Santiago reste un mystère, il n’ya aucun doute sur la lutte que mènent actuellement les Mapuches et de nombreux autres peuples autochtones en Amérique latine face à des mégaprojets, des monocultures et des travaux d’ingénierie qui menacent ce qui reste de leurs terres ancestrales.

Selon les chiffres de Front Line Defenders, rien que l'année dernière, environ 250 personnes ont été tuées dans le monde entier pour avoir défendu les droits des populations autochtones, le droit à la terre et l'environnement.

"Ce n'est pas que la vie de Santiago vaut plus qu'une autre vie. C'est juste que si sa mort reste impunie, cela crée un mauvais précédent" a déclaré Sergio Maldonado. "En Argentine, il y a eu une longue lutte pour la défense des droits humains et contre les disparitions. C'est un retour en arrière.